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Des Belges au Maroc

14 mars 2006

La romancière belge participe à une tournée des librairies marocaines du 3 au 10 mars.

Françoise Lalande : «Je dois me méfier de la beauté du Maroc»

Article paru dans Le Matin (Casablanca) du 02.03.2006   

La romancière belge participe à une tournée des librairies marocaines du 3 au 10 mars.

Des rencontres avec des écrivains belges d'origines diverses auront lieu du 3 au 10 mars. Elles sont organisées par les librairies,

la Délégation Wallonie-Bruxelles

et des Instituts français au Maroc. Participe à ces rendez-vous littéraires l'écrivain belge Françoise Lalande. Entretien.

Le Matin : Vous organisez une tournée dans plusieurs villes sur le thème : « Du Rif à

la Wallonie

: les encres sympathiques». Pourquoi avoir choisi ce slogan?

Françoise Lalande : Evidemment, on joue sur le double sens de l'adjectif sympathique. C'est-à-dire que notre tournée dans les villes marocaines, est une démarche pour se faire connaître du public et de créer des rapports amicaux entre les écrivains et les lecteurs. Je ne crois pas à l'écrivain installé dans sa tour d'ivoire, mais à l'écrivain qui parle pour le lecteur. Ce dernier, bien sûr, il faut qu'il se retrouve dans les livres, sinon le courant entre les deux ne passe pas. L'autre sens de «sympathique», cela me rappelle un jeu d'enfance. Quand j'étais petite, j'avais de l'encre, qui n'était pas au fait de l'encre, mais qui s'avérait être de l'eau. J'écrivais sur une feuille quelques mots qu'on ne voit pas. Pour arriver à les lire, il fallait chauffer cette feuille pour qu'alors apparaisse le texte. Or c'est la même chose pour les livres. Il y a ce qui est dit et ce qui n'est pas dit. Et c'est ce qui n'est pas dit que le lecteur doit trouver entre les lignes.

Vous êtes auteur de romans et de pièces de théâtre. Le public va-t-il voir un jour une de vos pièces jouée au Maroc ?

J'aimerai bien voir mes pièces jouées au Maroc, mais d'abord qu'elles soient traduites en arabe. Parce que moi-même, j'essaie d'apprendre cette langue depuis un an que je suis ici. Puis j'ai envie de toucher un public large. Ce sont des pièces où je prends généralement en charge le destin des femmes et des enfants. Pourquoi ? Parce que ce sont des êtres faibles et malmenés par la société. Cette difficulté n'est pas seulement vraie au Maroc où on parle des droits de la femme et de l'enfant, mais elle peut exister dans d'autres pays comme en Amérique latine où j'ai vu des choses terribles et même en Europe. Je suis l'écrivain de mon époque et de ceux qui n'ont pas la parole. Je suis l'écrivain des malmenés de l'Histoire, de ceux qui ont des destins bouleversants. Je voudrai dire aussi que les hommes ne sont pas exclus de mon œuvre parce que la sensibilité, la douleur, qui sont de grands thèmes chez moi, se retrouvent chez les hommes. Au fait, je suis là pour parler de la douleur de l'être humain. Si je parle de cette douleur, ce n'est pas pour que les gens se mettent à pleurer, mais au contraire pour leur donner de la force et de l'énergie.

La responsable du «Monde des livres», Josyane Savigneau, disait que vous suivez des artistes malmenés par leurs contemporains – Rimbaud (1854-1891), Van Gogh (1853-1890), etc. En quoi par exemple ces deux artistes ont-ils été calomniés ?

Ils ont été malmenés parce d'abord eux-mêmes malmènent la société. Un grand poète comme Rimbaud et un immense peintre comme Van Gogh arrivent et secouent les lecteurs ou ceux qui, dans un musée, regardent un tableau. Ces deux géants apportent quelque chose de nouveau tandis que le public n'est pas prêt à les suivre. La société qui est conservatrice aime qu'on lui dise ce qu'elle sait déjà et préfère qu'on lui montre ce qu'elle connaît déjà. Or un grand artiste est toujours en avance sur son temps. Rimbaud et Van Gogh ont secoué la société qui se venge évidemment en refusant au premier sa poésie et au second ses toiles. Maintenant Van Gogh est célèbre et ses tableaux valent des millions, mais de son vivant il n'a vendu qu'un seul tableau.

Vous étiez dernièrement au Salon international de l'édition et du livre à Casablanca. Quel jugement portez-vous sur la situation du livre en particulier et l'art en général?

Je constate qu'il y a deux éléments. D'abord le courage des éditeurs marocains de vouloir éditer des livres et ensuite l'immense difficulté de tenir une société d'édition dans un pays où il y a des difficultés financières et en même temps très peu de lecteurs par rapport au nombre d'habitants. Ils sont ce qu'on appelle des petits éditeurs qui ont un courage magnifique devant des difficultés énormes. Devant cette situation, je suis optimiste. C'est-à-dire que je crois quand on mène un combat, et qu'on veut publier des livres et faire connaître au public des auteurs marocains et les autres, et quand on est porté par l'enthousiasme et la volonté, on finit toujours par vaincre. Quant à l'art, c'est très curieux, il me semble que la peinture est mieux connue que les écrivains. Les jeunes écrivains d'aujourd'hui ne sont pas encore connus du grand public tandis que les peintres, il y a, malgré tout, une renommée internationale comme Belamine, Kacimi, etc. Mais la vie d'artiste reste toujours difficile et il ne faut pas que celui-ci devienne un fonctionnaire. Il faut que l'Etat le soutienne, sans que l'esprit de fonctionnaire ne la gagne, sinon, ce sera la mort de la créativité.

Vous êtes installés aujourd'hui au Maroc après avoir vécu en Equateur, Colombie, Equateur, etc. Qu'est-ce que ce pays vous apporte dans votre vie d'écrivain?

Sans flatter, je suis tombée amoureuse de ce pays. J'ai beaucoup voyager et c'est la première fois que me je dis : «Ici je suis vraiment très bien». C'est curieux parce mon histoire personnelle, finalement quelque part, a des points communs avec le Maroc. J'ai retrouvé ici le frère par exemple d'un jeune homme que j'avais connu il y a trente ans en Equateur. Une partie de ma famille est née à Casablanca.

Deux cousins sont nés à Casablanca, un en 1939 et l'autre 1942 pendant la guerre. Mais en tant qu'écrivain, il y a un danger pour moi. En réalité, mes romans sont durs et je dis des choses assez fortes. Je mords la société et les gens dans mes livres. Mais certains me disent maintenant que vous êtes au Maroc, vous allez pouvoir écrire et devenir plus douce. Pas du tout et je me méfie de cela. Le piège comme je l'ai signalé, c'est que le Maroc est un pays tellement beau, les gens sont également aimables. Pour moi, le danger c'est le risque de faire du folklore et du pittoresque comme la description des fantasias, mais cela ne m'intéresse pas. Je sui l'écrivain des gens et je vais parler des Marocains : femmes, hommes et enfants. Et donc, je dois me méfier de la beauté du pays.

Qu'est ce que vous nous préparez pour les jours à venir ?

Je viens de terminer ici au Maroc un roman, un livre écrit comme on roule une boule de neige. Progressivement les choses arrivent. Je me suis rendu compte que le Maroc était venu petit à petit sous ma plume, alors que je ne m'y attendais pas.

Je suis européenne et mon histoire commence par le vieux continent par un traumatisme qui était

la Seconde Guerre

mondiale. Mes parents, comme l'ensemble de la population, ont été marqués par la peur de mourir de faim ainsi que par la brutalité. Donc dans cette histoire qui commence de l'Europe, le Maroc est entré.

Propos recueillis par Rachid Tarik | LE MATIN   

Autre auteur présent à cette caravane du livre belge, Issa Aït Belize, écrivain marocain d'origine rifaine vivant à Liège, auteur, il y a quelques années, d'une Chronique du pou vert, qualifié par Salim Jay dans son Dictionnaire des écrivains marocains d'un des romans «les plus ambitieux que l'on doive à un auteur marocain de langue française vivant en Europe». Il a publié en avril 2005 Racines et Epines, premier tome d'une trilogie intitulée Le fils du péché.

Enfin, troisième participant, Daniel Soil, Conseiller à la Délégation Wallonie-Bruxelles à Rabat. Depuis 1991, il assure la promotion à l'étranger des créateurs belges francophones.  Son premier roman, Vent faste, est paru aux éditions Le Castor Astral (Bordeaux, avril 2000). Il a figuré parmi les lauréats du Festival du Premier Roman de Chambéry et le Prix Jean Muno lui a été attribué à Bruxelles en octobre 2001. Son deuxième roman, Comme si seule une musique, est paru en avril 2005 aux éditions Luce Wilquin.



• Tétouan, vendredi 3 (10h30), à

la Faculté

poly-disciplinaire, à l'initiative de la librairie Al Anwar,
• Tanger, samedi 4 (17h), au Dawliz, dans le cadre du Salon international du Livre,
• Fès, lundi 6 à

la Faculté

des Lettres Dar El Mehraz (10h) et à l'Institut français (17h30),
• Meknès, mardi 7, à

la Faculté

des Lettres (10h), à l'Ecole normale supérieure (15h) et à l'Institut français (17h30), à l'initiative de la librairie Dar El Kittab,
• Rabat, mercredi 8, à la librairie Kalila Wa Dimna (18h30),
• Casablanca, jeudi 9, médiathèque de l'Institut français (19h), à l'initiative de la librairie Porte d'Anfa,
• Marrakech, vendredi 10 à la librairie-galerie Les Atlassides, 22 rue Yacoub Al Marini, Guéliz (19h).

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